Au cinéma, chez Jacques et Chantal
Les trois projets ici réunis représentent des espaces intérieurs dans Playtime de Jacques Tati et Jeanne Dielman de Chantal Akerman, et décrivent certains éléments formels liés à la cinématographie. Ils proposent aussi une brève réflexion sur l’importance de l’espace par rapport au récit, aux personnages et aux autres scènes de ces film.
Playtime (1967) de Jacques Tati suit deux personnages principaux, le fameux M. Hulot (joué par Tati lui-même) et la jeune Américaine Barbara lorsque leurs chemins se croisent plusieurs fois dans les bâtiments, les rues, les magasins et les restaurants d’un Paris futuriste. Pour tourner le film, Tati a fait construire toute une ville moderne. Malgré son échec lors de sa sortie, le film est aujourd’hui reconnu comme un des films les plus importants du vingtième siècle.
Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) de Chantal Akerman est une tranche de vie d’une mère au foyer bruxelloise. Reconnu comme le premier chef-d’œuvre au féminin, le film suit Jeanne dans sa routine domestique – le lavage, la lessive, les courses, les repas – pendant trois jours, jusqu’au moment où ses habitudes méticuleuses commencent à se défaire et où la monotonie que Jeanne s’est imposée est interrompue.
Organisateur : Nicholas Hauck
Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1:45:46–1:48:23)
Dans cette scène, Jeanne se retrouve en premier plan, au centre d’un espace intérieur moderne. L’espace est présenté à travers une caméra à angle plat positionnée en face du personnage. De plus, l’angle plat positionne le regard des spectateurs au même niveau que celui de Jeanne et leur donne l’impression qu’ils sont assis à table avec elle. D’ailleurs, la sensation de proximité de la scène est renforcée par le plan de demi-ensemble et par une profondeur de champ restreinte qui isolent Jeanne et certains éléments de la cuisine. Jeanne est le seul point focal, ce qui empêche le spectateur d’avoir un regard omniprésent qui le placerait à l’écart de l’espace.
Dans ce film où le dialogue est presque absent, le mixage dans cette scène se limite aux sons d’ambiance. À vrai dire, on entend uniquement les bruits provenant de l’éplucheur de pommes de terre. Ce mixage et l’angle de la caméra permettent à Chantal Akerman de diriger le regard du spectateur vers le personnage principal. Ce faisant, on remarquera des changements subtils sur l’apparence physique de Jeanne qui révèlent son état psychologique. À titre d’exemple, et contrairement à son habitude, Jeanne ne porte pas de tablier pour cuisiner et ses cheveux sont moins entretenus. Ces changements et son regard perdu donnent à penser qu’elle est épuisée et/ou insatisfaite de son quotidien. Le décor de la cuisine, souligné par une lumière artificielle comme celle provenant d’une ampoule en surplomb, contraste avec l’état de Jeanne. Les objets de la cuisine semblent être à leur place, mais Jeanne qui paraît être ailleurs dans sa tête. Enfin, cette scène représente une séquence clef pour le déroulement du film, car elle révèle l’intention de la cinéaste de montrer, à travers ses choix cinématographiques, le comportement changeant de Jeanne.
Carol Estrada, Dominik Hekiert et Alacia Michaud
Playtime, vue du deuxième étage
La scène se déroule dans un immeuble de bureaux situé dans un Paris futuriste. M. Hulot y arrive pour participer à une réunion. L’immeuble est construit en acier et en verre. Alors que M. Hulot navigue le labyrinthe de l’immeuble, il descend un grand escalator et continue de circuler à un étage où des bureaux intérieurs sont groupés en quatre séries de cinq espaces. L’angle de la caméra montre M. Hulot sortant des ascenseurs et regardant en surplomb le premier étage depuis le deuxième étage. Le bureau est lumineux grâce à l’éclairage naturel des grandes fenêtres en verre qui composent les murs de l’immeuble, permettant ainsi aux passants de contempler le labyrinthe à l’intérieur du bâtiment. La réflexion de la lumière sur les armoires en acier du bureau rend plus vive la lumière extérieure et éclaire davantage l’espace.
La tension exprimée dans les mouvements des travailleurs dans cet espace reflète le même niveau de tension dans le reste de l’immeuble. Chacun se déplace avec précision, naviguant facilement dans ce monde futuriste dans lequel M. Hulot semble se perdre. Chaque travailleur est occupé à sa tâche, révélant ainsi l’état d’esprit de ces individus concentrés sur eux-mêmes et privés de moments calmes pour échanger avec autrui. Les formes carrées sont fréquentes dans cette scène et à travers l’immeuble, ce qui contribue à créer une impression mécanique. De la sorte, l’espace ressemble à une grande machine où toutes les pièces fonctionnent dans le but d’accomplir un seul objectif, créer une ambiance futuriste.
Lia Strazzeri
Playtime, à la télévision
Vue de la caméra:
Vue aérienne:
L’intériorité est un des thèmes les plus puissants du film Playtime de Jacques Tati. Tati l’aborde dans son exploration des espaces intérieurs physiques et propose une critique de la société passant par une projection de l’intérieur psychologique de l’individu. Les deux dessins renvoient à une scène où l’intériorité se trouve au centre de l’esthétique cinématographique de Tati.
Le premier dessin représente la scène telle qu’elle est vue à l’écran. M. Hulot regarde la télévision chez ses amis. De l’autre côté du mur, dans un autre appartement, une famille regarde également la télévision. Le croquis montre ce que les spectateurs voient sur leur écran : deux autres écrans, les fenêtres et les espaces derrière les écrans où des gens regardent un écran aussi. Pour les spectateurs, cette scène a un effet d’introspection. L’angle de la caméra guide leur regard et cette introspection les place à l’intérieur d’un récit du voyeurisme.
Le deuxième dessin est une vue aérienne qui met l’accent sur l’effet créé par la mise en scène et le regard des personnages. Il révèle l’effet de miroir entre les personnages, mais aussi entre les personnages et les spectateurs. Il semble que les individus des deux appartements se regardent, alors qu’en fait ils regardent leur télévision et reflètent l’action des spectateurs. Ainsi, ces derniers deviennent personnages et se trouvent à l’intérieur du film et de sa critique. Manipulant l’angle de la caméra, le regard des personnages et la mise en scène, Tati amplifie le thème de l’intériorité.
Courtney Tremain
Outreach activity / Activité de création
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